lundi, mars 07, 2011

Au plus profond de la haine : les groupuscules d’extrême-droite







Ils se veulent les héritiers élus d'un Occident millénaire, hésitant entre un paganisme de pacotille et catholicisme intégriste. Ils ne sont que les rejetons d'un nazisme criminel qu'il ne faut jamais croire totalement disparu.


Le 14 juillet 2002, le président Jacques Chirac échappe de peu à un attentat alors qu'il amorce la traditionnelle descente des Champs-Elysées. Le jeune homme qui a tenté de tirer sur lui s'appelle Maxime Brunerie, grand admirateur du 3ème Reich, amateur de musique SS, candidat du parti d'extrême-droite MNR aux élections municipales de 2001 et membre de la très sulfureuse organisation Unité radicale. Bien qu'il n'y ait pas eu de complot véritable et que Maxime Brunerie semble avoir agi seul, les enquêteurs dévident tout un écheveau d'associations et de groupuscules d'extrême-droite plus ou moins étroitement liés à Unité radicale. Cette fédération de « nationaux révolutionnaires » rassemble pêle-mêle des adhérents du MNR, des membre de Nouvelle Résistance ou du GUD - syndicat étudiant créé en opposition au mouvement de mai 1968 -, des groupes de « rock identitaire » ou encore le « kop de Boulogne », noyau dur des supporters musclés et xénophobes du club de football Paris-Saint-Germain. Cette nébuleuse composite de 150 à 200 militants actifs se retrouve autour de valeurs extrémistes : racisme, antisémitisme, primauté de la race blanche, nationalisme révolutionnaire... Dissoute par le gouvernement, l'organisation renaît immédiatement de ses cendres sous le nom de Jeunesse identitaire, avec son site Intemet hébergé aux États-Unis, ses organes de presse, ses groupes de rock attitrés.


Difficiles à cerner, plus ou moins légalement constitués, les groupuscules d'extrême droite prennent ainsi de multiples formes afin de se dissimuler pour mieux diffuser leurs idées.


Le GRECE


Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'extrême-droite européenne est moribonde. L'échec des puissances de l'Axe, la découverte de l'horreur des camps nazis, le travail d'épuration des Alliés sont venus à bout de l'essentiel des partisans du Führer. Dès cette époque pourtant, quelques cercles nostalgiques se rassemblent pour évoquer le 3ème Reich, mais c'est dans les années 1970 que ce phénomène prend de l'ampleur.


Quelques intellectuels de la droite extrême décident de partir à la conquête des élites et de promouvoir un renouveau de l’Occident en pénétrant les cercles du pouvoir. En quelques années, revues, cercles, organisations autonomes sont à pied d’œuvre, gravitant autour d’une quarantaine de personnes rassemblées dans une « société de pensée » : le Groupement de recherche et d'étude pour la civilisation européenne, le GRECE. C'est au sein de cette société que s'élabore la « Nouvelle Droite », pétrie de racisme, d'antiégalitarisme, de darwinisme social et d'autoritarisme, hésitant entre paganisme mâtiné de rites celtiques et catholicisme intégriste. Des sociétés sœurs se créent un peu partout en Europe. Parmi elles, le Séminaire Thulé. Celui-ci reprend le nom de l'ancienne société secrète Thulé, dont l'emblème était la croix gammée, et qui avait inspiré à Hitler une bonne part de son corpus doctrinal. Le Séminaire Thulé actuel, en contact étroit avec des membres du GRECE, promeut l'idée de la régénération d'une Europe « ethniquement homogène ».


Une nébuleuse disséminée


Bénéficiant sans doute de la vague des succès électoraux remportés parles partis extrémistes et populistes, les groupuscules d'extrême droite ont élargi leur recrutement et leurs modes d'expression durant la dernière décennie. En France, on estime que les extrémistes de droite sont entre 2 500 et 8 500 à militer au sein de structures diverses. Ils se divisent entre skinheads, groupes identitaires (le GUD, par exemple), qui se réfèrent à une « communauté de sang », ultranationalistes (l'Œuvre française ou les pétainistes), néonazis et hooligans. Les néo-nazis, essentiellement implantés en Alsace, sont liés à des groupuscules allemands de même type, tandis que les hooligans sévissent habituellement dans les stades de football, n'hésitant pas à faire le salut hitlérien en plein match.


La Belgique abrite de nombreuses formations ultranationalistes, toutes plus ou moins dissimulées derrière la façade publique du Vlaams Blok (Bloc flamand) parti d'extrême droite fondé en 1978. Grensland, la Oranjejeugd (Jeunesse orangiste) ou encore le Voorpost-Nationalistische actiegroepen (« Avant-garde-Groupes d'action nationalistes ») sont parmi les plus actives de ces formations. Le même phénomène s'observe en Allemagne, particulièrement en Bavière, aux Pays-Bas, en Autriche, au Danemark, en Suède, où le parti Ny democratie (Démocratie nouvelle) est l'arbre qui cache une forêt de groupuscules ouvertement néonazis comme Riksfronten (« Front du Reich ››) ou Vitt ariskt motstand (« Résistance blanche aryenne »). Autant de formations plus ou moins structurées, aux effectifs mal connus et qui ne sont jamais parvenues à se fédérer, mais qui tissent une toile insidieuse.


En Amérique aussi...


Outre-Atlantique, le combat d'extrême-droite centré sur le White power, canalisé par le Ku Klux Klan jusqu'à la fin des années 1960, est devenu le fait de groupuscules paramilitaires néonazis, de défenseurs du port d'armes à feu, voire de commandos antiavortement. Ces combats continuent de s'ancrer dans une lourde tradition racialiste, nostalgique des politiques de ségrégation à l'égard des populations noires dans les États du Vieux Sud. Après l'attentat d'Oklahoma City qui avait fait 168 morts en 1995, les services de police avaient réussi à neutraliser les leaders d'organisations racistes et de milices. Mais on estime aujourd'hui que les groupes extrémistes américains, au nombre de 750 environ, compteraient près de 100 000 adhérents. Plus au nord, dans le Canada francophone, des groupes identitaires québécois, comme Québec-Radical, ou des courants catholiques intégristes, qui
s'expriment à travers le groupuscule des Penseurs patriotes par exemple, prônent un « Québec souverain et français de langue », strictement fermé à toute immigration. Partant de la peur de disparaître en tant que peuple blanc et francophone, les groupuscules ultranationalistes québécois tendent aujourd'hui à se concentrer sur une conception purement biologique de la nation, au même titre que les extrémistes européens.


Propagande néonazie et coups de poing


Le programme d'action de ces groupuscules d'extrême droite est tout aussi simpliste que brutal : diffuser la propagande national-socialiste, principalement par le biais de la musique rock dite «identitaire ». Ainsi, en 2004, des néonazis ont mis sur pied un programme intitulé « Aktion Schulhof » : 150 000 exemplaires d’une compilation musicale aux relents SS ont été distribués gratuitement dans les cours d’écoles. La provocation passe également par la multiplication des « tags » d'inspiration nazie sur les édifices publics et la profanation de cimetières, activité particulièrement prisée par les membres de la très active Elsas Korps en Alsace, dissoute par le gouvernement en mai 2005. Plus encore, au-delà de la multiplication des bagarres ou expéditions punitives à l'encontre de populations  étrangère, certains ne reculent pas devant le meurtre. Durant l'été 2000 en particulier, des néonazis sévissant en ex-RDA ont ainsi été reconnus coupables d'avoir tué un Africain à Dessau, puis d'avoir commis un attentat à la bombe contre des immigrés russes à Düsseldorf. En France, des sympathisants du FN de Jean-Marie Le Pen se sont illustrés dans la ratonnade meurtrière. En Espagne, c'est principalement la lutte contre les immigrés d'Afrique du Nord qui mobilise des groupes tels que les BBAA (Bases autonomes) ou encore Action radicale. Leur but commun est de créer des « zones nationales libérées », autrement dit des quartiers entiers où étrangers et gauchistes ne peuvent pénétrer.


Célébrations publiques, rites secrets

En fonction des différentes législations nationales, tous ces groupes tombent plus ou moins sous le coup de la loi, ce qui les contraint sinon à la clandestinité, du moins à la plus grande discrétion. Ce qui ne les empêche pas toutefois d'oser des manifestations publiques pour faire parler d'eux. En Bavière, la commémoration de la mort de Rudolph Hess dans sa ville natale de Wunsiedel est l'occasion de rassemblements en plein jour des nostalgiques du 3ème Reich. Tout aussi ostensibles sont les manifestations organisées en Italie dans le petit village de Predappio, qui abrite le tombeau de Mussolini. Chaque année plus de 50 000 visiteurs viennent rendre hommage au Duce, alors qu'une mystérieuse garde d'honneur de trois ou quatre skinheads drapés de noir (ils seraient environ 400 en tout) se relaie jour et nuit devant sa dépouille.


La clandestinité n'est d'ailleurs pas sans leur déplaire, leur conférant cette aura de mystère qui les rend plus inquiétants et, s'ils ne constituent pas à proprement parler des sociétés secrètes, ils aiment à s'en donner l'allure. Le fantasme d'un Occident éternel et l'exaltation de la race aryenne les incitent à mêler dans un grand bric-à-brac mythologique le paganisme européen des premiers âges et l’intégrisme catholique, lors de cérémonies initiatiques où cohabitent le druide et le prêtre. C'est ainsi que chaque année, le 22 juin, des célébrations du solstice ont lieu à Montségur, haut lieu du catharisme.


Les sociétés secrètes



Le reportage « A l’extrême-droite du père » :
http://bouddhanar.blogspot.com/2010/12/la-spiritualite-laique.html



Les sociétés secrètes


Quelle était la religion des druides gaulois ?
Pourquoi la kabbale revient-elle à la mode ?
Quel est le vrai visage des Templiers ?
D’où vient la Mafia ?
Comment est organisée la nébuleuse al-Qaida ?

Initiations mystérieuses, rites révélés, quêtes spirituelles et complots… Les sociétés secrètes intriguent et fascinent depuis la nuit des temps.  


Les extrêmes droites en France 
De la traversée du désert à l'ascension du Front National

Depuis l'épuration qui suit la Libération au second tour des élections présidentielles de 2002, l'extrême droite en France qui a parcouru un long chemin qui lui a permis de s'inscrire durablement dans le paysage politique français. L'étude de l'extrême droite est un exercice délicat. S'il n'y a pas d'extrême droite unique et homogène, elle n'est pas pour autant simplement une droite qui surenchérit sur les valeurs de la droite classique. Pendant plus d'un demi-siècle, cette famille politique, souvent occultée, s'est diversifiée. C'est un ensemble indéterminé, parfois difficile à appréhender dans un tout. Catholiques intégristes et païens, monarchistes, régionalistes, partisans d'un Etat fort, nostalgiques du 3e Reich, nombreuses sont les divisions idéologiques qui peuvent séparer ses membres. L'auteur scande en trois époques la reconstruction des extrêmes droites. La première période (1944 à 1968), profondément marquée par l'épisode de la guerre d'Algérie, est le ferment de nouvelles organisations. La seconde, qui court de 1969 à 1974, est celle de la reconstruction idéologique menée de front avec un activisme violent. Enfin, les années 1974-2008 sont celles de l'unification des extrêmes droites et de l'ascension du Front national. Le déclin électoral récent de la formation de Jean-Marie Le Pen et la crise qui couve en son sein ne peuvent malheureusement pas laisser penser qu'on en a fini avec ces courants antidémocratiques qui trouvent leurs origines dans l'histoire des deux siècles derniers. Un ouvrage indispensable pour comprendre les méandres des extrêmes droites françaises qui n'ont pas dit leur dernier mot.




Biographie de l'auteur
Jean-Paul Gautier, politologue et historien spécialiste de l'extrême droite, est l'auteur d'un ouvrage sur le mouvement royaliste, « La restauration nationale. Un mouvement royaliste sous la 5e République », préface de Nonna Mayer, Paris (Syllepse, 2002).




Source de l’illustration :
http://www.blokwatch.be/component/option,com_zoom/Itemid,86/page,view/catid,2/PageNo,24/key,277/hit,1/lang,fr/

Ceux qui ne reconnaissent aucun suzerain

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