mardi, janvier 17, 2023

La vraie méditation


Méditer, ce mot a été employé, en Orient et en Occident, d’une façon malheureuse. Il existe différentes écoles et différents systèmes de méditation. Certaines écoles disent : « Observez le mouvement de votre gros orteil, observez-le, observez-le, observez-le », d’autres recommandent que l’on s’assoie dans certaines postures, que l’on respire régulièrement, ou que l’on s’exerce à être lucide. Tout cela est purement mécanique. 

Une autre méthode consiste à vous donner un certain mot et à vous dire que si vous le répétez très longtemps, vous aurez une expérience transcendantale extraordinaire. C’est une absurdité. C’est de l’auto-hypnotisme. Il est certain qu’en répétant indéfiniment Amen, Om ou Coca-cola, vous aurez une certaine expérience, parce qu’au moyen de répétitions on se calme l’esprit. C’est un phénomène bien connu en Inde depuis des milliers d’années, que l’on appelle Mantra-Yoga. Avec des répétitions vous pouvez inciter votre esprit à être aimable et doux, mais il n’en sera pas moins un petit esprit mesquin, misérable. Vous pourriez aussi bien placer sur votre cheminée un morceau de bois ramassé dans le jardin et lui présenter tous les jours une fleur en offrande. Au bout d’un mois vous seriez en train de l’adorer, et ne pas lui offrir une fleur serait un péché.

La méditation ne consiste pas à suivre un système ; ce n’est pas une constante répétition ou imitation ; ce n’est pas une concentration. 

Une des méthodes favorites de certaines personnes qui enseignent la méditation est d’insister auprès de leurs élèves sur la nécessité de se concentrer, c’est-à-dire de fixer leur esprit sur une pensée et d’expulser toutes les autres. C’est la chose la plus stupide, la plus nocive que puisse faire n’importe quel écolier, lorsqu’on l’y oblige. Cela veut dire que pendant tout ce temps on est le lieu d’un combat entre la volonté insistante de se concentrer et l’esprit qui vagabonde, tandis qu’il faudrait être attentif à tous les mouvements de la pensée, partout où elle va. Lorsque votre esprit erre à l’aventure, c’est que vous êtes intéressé par autre chose que ce que vous faites. 

La vraie méditation

Voilà ce qu’est la vraie méditation. Elle consiste à repartir des tout premiers débuts sans rien savoir. Si vous croyez déjà tout savoir, vous finirez par être envahi par le doute. Mais si vous partez en ne sachant rien d’avance, vous trouverez la vérité absolue, c’est-à-dire la certitude. Je me demande si vous saisissez bien tout cela. Nous avons d’abord dit qu’il fallait explorer ce que nous sommes, or nous ne sommes rien d’autre que le connu ; ce connu doit donc être évacué. Et quand le vide est fait, tout le reste coule de source.

Lorsqu’elle est là, cette chose plus sacrée que tout et qui est l’essence même du mouvement de la méditation, la vie prend un tout autre sens. L’existence cesse à tout jamais d’être superficielle. Quand on a cela, plus rien n’a d’importance. […]

Voici donc ce qu’est la méditation. Elle consiste à percevoir la vérité à chaque seconde, et pas « en ultime analyse », à démêler le vrai du faux à chaque instant. Percevoir qu’il est vrai de dire que la conscience et son contenu ne font qu’un – c’est cela, la vérité. Voir la vérité du fait que je ne sais pas quelle attitude adopter face à tout cela – telle est la vérité, qui n’a rien à voir avec le savoir. Par conséquent, le fait de ne rien savoir est un état vide de tout contenu.

C’est extrêmement simple. Vous pouvez refuser l’évidence et préférer des solutions astucieuses, compliquées, inventées de toutes pièces. Vous refusez de voir ce qui est pourtant extraordinairement simple, et donc extraordinairement beau.

L’esprit, c’est-à-dire le cerveau, est-il capable de voir clairement ses limites, les limites du temps, l’asservissement au temps et les limites de l’espace ? Tant que l’on vit dans le cadre étroit de cet espace limité et sous l’emprise de ce mouvement du temps, la souffrance, l’alternance d’espoir et de désespoir, et toute l’angoisse que cela suscite dans notre psyché sont inévitables. Lorsque l’esprit a perçu cette vérité, que devient le temps ? Y a-t-il alors une nouvelle dimension que la pensée ne peut ni toucher ni décrire ? Comme nous l’avons dit, la pensée, c’est la mesure, c’est donc aussi le temps. Nous vivons selon des critères de mesure ; toutes nos structures mentales se fondent sur la mesure, c’est-à-dire la comparaison. Et la pensée en tant que mesure voudrait transcender ses propres limites pour découvrir par ses propres moyens s’il existe quelque chose de non mesurable. La vérité authentique consiste à voir la fausseté d’un tel raisonnement. La vérité consiste à voir le faux, et le faux, c’est quand la pensée cherche ce qui n’est pas mesurable, qui ne procède pas du temps et n’appartient pas à l’espace qui abrite le contenu de la conscience.

Lorsque vous posez toutes ces questions, et que vous vous interrogez, alors vous apprenez en chemin, alors votre esprit et votre cerveau deviennent extraordinairement silencieux. Discipline, maître, gourou, système – vous n’avez pas besoin de cela pour faire taire votre esprit.

Il existe différents types de méditation dans le monde, de nos jours. L’homme est trop avide, trop pressé de faire l’expérience d’une chose dont il ignore tout. 

La mode est actuellement au yoga, venu d’Orient, et censé apporter à tous santé, bonheur, jeunesse, censé aider les gens à rencontrer Dieu – bref, le yoga est en ce moment la panacée. Les sciences occultes ont également le vent en poupe ces temps-ci, c’est si excitant ! Pour l’esprit qui est en quête de vérité, qui s’efforce de comprendre la vie dans sa globalité, qui voit le faux pour ce qu’il est, et la vérité au sein même du faux, tous ces phénomènes occultes sont assez évidents, et un tel esprit restera à distance de tout cela. Quelle importance que je lise dans vos pensées, ou vous dans les miennes, que je voie des anges ou des fées, ou que j’aie des visions – aucune importance, vraiment ! Nous avons soif de mystère, et nous ne voyons pas l’immense mystère de la vie, de cet amour de la vie. Cela, nous ne le voyons pas, nous nous épuisons donc en futilités sans importance.

Mais quand on a renoncé à tout cela, reste la question clé : existe-t-il une chose qui soit au-delà de toute description ? Si on la décrit, la description n’est pas la chose décrite. Existe-t-il une chose qui ne procède pas du temps, mais qui soit un espace sans frontières, un espace immense, illimité ? Lorsque votre espace est trop étriqué, cela vous rend méchant ; quand il n’y a plus du tout d’espace, vous devenez violent, vous avez envie de tout casser. L’espace, vous en avez besoin, mais l’esprit, la pensée sont incapables de vous l’offrir. il faut d’abord que la pensée se taise pour que soit cet espace qui n’a pas de frontières. Et seul un esprit tout à fait silencieux sait – ou plutôt sent – si elle existe ou non, cette chose qui est au-delà de toute mesure.

Seule cette chose est sacrée – contrairement aux images, aux rituels, aux sauveurs, aux gourous, aux visions, qui, eux, ne le sont point. Seule cette chose est sacrée, et si l’esprit l’a rencontrée, sans l’avoir demandé, c’est parce qu’il est vide, absolument vide. Et seul ce qui a cette vacuité peut être le théâtre d’un avènement nouveau. 

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