mercredi, mars 17, 2010

L’affaire Dudjom Rinpoché


Réalisateur à l’ORTF de 1952 à 1974, Arnaud Desjardins rencontre le Dalaï-lama en 1963 à Mussoorie (Inde) et obtient son appui pour le tournage de ses films.

Son documentaire, « Le message des Tibétains » (1966), fait la promotion du lamaïsme. Bien entendu, le Dalaï-lama et les principaux hiérarques du Vajrayana prêtent leur concours au cinéaste français. Les grands lamas sont tous filmés Dilgo Khyentsé, le XVIème Gyalwa Karmapa, Dugpa Tupse, Sakya Lama Trinzin, Lopön Sonam Zangpo, Chatral, Taï Situ, Shamar et Dudjom. Or, Dudjom, l’un des grands maîtres contemporains de la tradition nyingma, accusé d’être un espion à la solde des Chinois par le gouvernement tibétain en exil, avait été arrêté et emprisonné à Siliguri dans le Bengale occidental.

Arnaud Desjardins ne pouvait ignorer cette affaire qui entachait l’image du bouddhisme tibétain. Dans son livre "Le message des Tibétains", il évoque vaguement l’intolérance de certains guélougpa, mais dédouane le Dalaï-lama qui est en passe de devenir la nouvelle idole des spiritualistes occidentaux :
« Le Dalaï-lama lui-même ne peut-être accusé de partialité et il est sincèrement aimé et vénéré par les représentants des sectes rouges. Mais on ne peut malheureusement pas en dire autant de tous autour de lui et certains guelougpa de bonne foi mais aux idées étroites sont si convaincus de la nécessité de la réforme de Tsong Khapa et de la supériorité de leur ordre qu’ils veulent résolument ignorer l’existence des nyingmapa, des sakyapa et kagyupa. »

Selon le lama Kundeling, l’accusation d’espionnage, « c’est l’accusation préférée du gouvernement tibétain en exil contre toute personne posant à leurs yeux une menace à l’autorité absolue du Dalaï-lama.
Dudjom Rinpoché était très apprécié. Sa renommée était très grande et constituait une menace à leur autorité absolue. En fait, c’est ce qui caractérise un système autocratique. Personne ne peut être plus intelligent, plus célèbre, plus beau ou plus prospère que le chef. Vous ne pouvez pas éclipser votre dirigeant. Si vous le faites, il faut vous remettre à votre place. » (1)

Après avoir été remis à sa place, Dudjom collabore au film de propagande d’Arnaud Desjardins. Les images d’une confrérie idyllique de sages tibétains doivent conquérir le cœur de millions de personnes. Dans le monde, beaucoup s’interrogent et cherchent des moyens de pallier les angoisses générées par la guerre froide.

La guerre froide entre le capitalisme et le communisme est indiscutablement à l’origine de la promotion du lamaïsme, cette bizarrerie hybride résultant du croisement du bouddhisme et du tantrisme ritualiste composé de doctrines et de pratiques magiques. La sanctification médiatique du Dalaï-lama va de pair avec la diabolisation du communisme chinois.


(1) Source des propos de Kundeling : « Une Grande Imposture ».



Révélations d'un lama dissident

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